Tu n’es pas arrivée à Overworld depuis longtemps Amber. En fait, ça ne fait que six petits mois. Rien du tout, dans l’éternité qui t’attends. Pourtant, tu te sens comme à la maison ici. Cette nuit perpétuelle. L’obscurité omniprésente. Les criminels en tout genre grouillant comme dans une immense fourmilière. Tu es arrivée, et c’est comme si rien n’avait vraiment changé pour toi au final. Le monde de pseudo paix que certains ont connu, tu l’as quitté il y a bien longtemps. Il n’est pour toi qu’un lointain souvenir. Six moi, c’est presque rien, et pourtant, assez pour que tu arrives à te faire ton petit réseau. Trouver un logement convenable. Et cibler les premières petites vermines dont tu voulais te débarrasser. Et finalement, dans tout ça, tu as trouvé un début de petites habitudes. Dont celui d’aller dans ce charmant petit café, qui t’accueille de son carillon, la porte à peine poussée.

Tu te fonds à merveille dans ce décor. Classique, élégant. Comme toi et ton joli costume quoi. Bien alignés face au comptoir, les bancs invitent à s’asseoir pour déguster un bon café dont le parfum empli l’air, se mêlant à la subtile effluve du tabac froid de quelques clients fatigués, à la recherche d’une tasse chaude pour se remotiver dans cet enfer. La lumière tamisée, colorée. La petite musique en fond sonore, qui rappelle la vieille France, les vieilles affiches publicitaires d’une autre époque. Paris te manque, quand tu passes ici. Déguster un bon croissant à une terrasse, en sachant que dans l’ombre, tes opérations se déroulent sans le moindre accroc.

Et puis, il y a le patron. Joli minois. Grand. Athlétique. Ses iris vertes, tirant sur l’anis, qui suivent la courbe de tes hanches alors qu’un petit sourire discret étire ses lèvres, ses mains occupées à essuyer la vaisselle d’un geste expert. Vos regards finissent par se croiser et un petit rire t’échappe. Le pas tranquille, tu t’approches. T’accoudes à ce comptoir avec toute la malice du monde dans tes yeux d’or, le visage confortablement installé contre ton poing.

« Bonjour Elysé, comment vas-tu ? Tu es rayonnant ! Je voudrais une tasse de ton café le plus noir et le plus intense. Tu peux faire ça pour moi ? ~ »

Bien sûr qu’il peut. C’est un jeu d’enfant pour lui. Mais est-ce que tu parles toujours de café ? Pas sûr. Parce que ce n’est pas que ton barista. Oh non. Que ce soit dans le business ou bien l’intimité de draps, vous échangez. Régulièrement. Et ça vous va bien à tout les deux.

« Tu me parlais l’autre jour de ton problème de ... stock. Alors devine qui a une surprise pour toi ? Un gros sac de café Blue Moutain, et de première qualité en plus ! Une petite merveille à t’en déclencher une tachycardie ! »

Ou plutôt un bon donneur d’organe en parfaite santé, et de groupe B, avec un cœur de compétition.

« Enfin tu te doutes que ce sera pas totalement gratuit, mais je suis sûre qu’on peut négocier. »

Et non, le sexe n’entrera pas dans la négociation. Enfin, il peut essayer, mais il te connait assez pour savoir que tu ne mélanges pas les deux. Business is Business comme on le dit si bien. Rien n’empêche de s’amuser à côté, voilà tout. Et puis, ton regard repère une part de tarde à l’Ube, et finalement, ton colis peut attendre encore un peu dans sa malle, bien sagement.

« Tu me rajoutes une part de tarde avec tout ça ? Je ne sais pas ce que j’ai en ce moment mais j’ai une envie folle de sucre ! Tu sais que ma mère faisait une tarde aux pêches à se damner ? Son secret, c’était d’ajouter de la menthe dans sa garniture ! »

Est-ce qu’elle cuisinait vraiment des tartes ? Impossible à savoir. Tu es toujours si théâtrale, que c’est dur de savoir ce qui est vrai et ce qui est faux. C’est ce qui te rends si mystérieuse. Imprévisible. Intéressante. Assez pour l’amadouer, ce chirurgien, dissimulé derrière des faux airs de doux barista.

Une journée plutôt calme. Le genre de journée où clairement tu ne cherche pas vraiment la petite bête. En soit, tu as pris le pli de la vie ici. Tu es là depuis bien longtemps, tu fais partie des murs. Tu as passé plus de temps dans ce monde que dans le monde baigné de lumière.  Certes, tu t’étais fait la réflexion quand tes trentes années sont passées ici. Réalisant que tu ne pensais pas être encore aussi jeune et surtout dans un monde mauvais, enfin, comment aurais-tu pu imaginer finir ici ? De toute façon, toute ta vie, tu ne l’aurais jamais imaginé ici enfant…

Il est bien loin le chirurgien dans un hôpital prestigieux et tout ce qu’avait imaginé le toi enfant.

Un léger sourire en coin pendant que tu laves les tasses. Surveillant d’une oreille tes employés qui servent les clients, espérant pas une fausse manœuvre ou autre casse qui pourrait encore coûter. C’est une journée tranquille et tu souhaites qu’elle le reste. Un léger souffle, tu réfléchis déjà à ce que tu peux faire dans la soirée quand le magasin sera fermé. Bien que tu dois aussi réfléchir à tes commandes en bas, il manque quelques éléments importants. Bien que tu ne sois pas vraiment stressé, tu ne l’as jamais été de toute façon.
Si tu es toujours vivant, c’est que tu es utile, c’est que tu connais très bien ton taff. Donc tu ne te fais aucun mouron, les choses arrivent toujours en temps et en heure. Rangeant la vaisselle immaculée après les avoir séché, tu entends une voix qui t’es familière. Tu l’avais déjà remarqué rentré, de toute façon, tu regardes toujours qui rentre. Tu ne l’as juste pas abordé car tu avais d'autres choses à faire, comme…la vaisselle que tu viens de terminer.

Des compliments qui sont sûrement à la fois faux et à la fois sûrement pour juste entamer la conversation. Tu approche la demoiselle qui minaude au comptoir avec un sourire. Ce n’est pas une réclamé une nuit bien agréable qu’elle est ici, tu te doutes bien que c’est plus par message ce genre de “demande”. Essuyant tes précieuses mains, tu les poses doucement sur le rebord de la table de travail derrière le comptoir.

“Un café bien noir ? Cela fait longtemps.”

Voilà qu’Amber arrive avec une possible commande. Comme quoi, tu as toujours bien fait d’être patient. Il faut savoir compter sur son réseau, et cela ne fait que confirmer que tu es bien entouré. Même dans ce monde où tout le monde est fou, il y a des fous qu’on peut apprécier.
L’air de rien, tu prends une tasse de café que tu sers avec la plus grande aisance. Ce geste est aussi précis que les coups de scalpel que tu donnes, il a été forgé avec les années. Tes yeux anis se posent sur elle avec un sourire plutôt doux, pourquoi la regarder autrement ? Elle t’apporte que de bonne nouvelles. Puis, il y a du monde, trop de monde pour parler correctement. Donc, tu gardes ta casquette de barista serviable avec une demoiselle qui semble bien contente de t’apporter les nouvelles.

“Je vois, je présume que ton prix va être élevé vu la rareté. “ Tu poses délicatement la tasse devant elle. “Je ne suis pas dans l’urgence, mais c’est toujours agréable d’avoir de l’avance. Surtout quand j’ai des clients difficiles qui veulent de la qualité.”

Bien sûr que tu ne vas pas dire non à un colis pareil. Toutefois, les prix dans ce monde sont bien différents. Tu es bien curieux de ce que désire Amber. Vu la lueur de son regard, ce n’est clairement pas une nuit de passion. Bien dommage, tu aurais voulu conclure ça rapidement. Toutefois la suite de ta phrase te laisse un peu dubitatif avant de rire simplement.

“C’est quoi le deal ? Tu veux une tarte aux pêches comme l'a fait ta mère ? Si ce n’est que ça.”

Tu secoues la tête un peu amusé, bien que tu lui donnes la plus petite part que tu as découpé de la tarte. Après tout, c’est gratuit, mais il ne faut pas non plus trop abuser de ta gentillesse. La posant dans la vaisselle assortie à la tasse, tu as un peu lutté pour trouver un service à café qui puisse être décent. Tu es parfois un peu trop minutieux dans ton travail, que ce soit au bloc ou au café.

“Résultat, qu’est-ce qui t’intéresse ? Tu veux une boule de glace à la vanille avec ta tarte aux pêches ?”

Message codé ? Pas du tout. Il est vraiment sérieux. Après tout avec Amber, il faut savoir danser dans le sérieux et l'absurdité. Tu te permets de te servir un café pour toi-même. Un léger nuage de lait sucré pour le boire en la regardant. Tu ne lâcheras pas non plus l'affaire. Elle a de la came de qualité, juste savoir le fameux prix.  

Il est comme un artiste. Les mains habiles, le geste précis et sûr, il prépare ton café. Il pourrait le faire les yeux fermés. Faut dire que ça fait un moment qu’il travaille ici. Overworld lui a offert une éternité pour se perfectionner dans un autre art que la découpe. Et c’est un spectacle saisissant. Le flot du café jusqu’à la tasse. L’agréable glouglou contre la porcelaine et l’odeur amère qui te chatouille les narines, te réchauffant et te réveillant à la fois. C’est ce genre de moment qui te ferait presque oublier où tu es. Une petite bulle de paix au milieu de l’enfer, que tu éclates bien vite. Parce que tu ne peux pas prendre trop l’habitude. Baisser la garde, c’est mourir. Et tu es là pour affaire.

Une transaction qui intéresse directement ton cher barista. Tu le vois mordre à l’hameçon. Il sait que le produit est précieux. Trop pour le laisser lui filer entre les doigts sans rien dire. C’est une bonne chose pour toi, ça te donne la main dominante dans cet échange. Tu adores ça. Tu en joues. Tu perturbes le docteur avec ton blabla décousu, passant du tout au tout. C’est presque mignon.

« Voyons, on ne peut même plus discuter de nos souvenirs d’enfance ? Tu m’attristes mon cher ~ »

Ton regard s’abaisse sur la part de tarte qui te vends la promesse d’un délicieux moment. Alors oui, ce n’est pas la tarte de ta mère, mais est-ce que c’est important au final ? De l’index, tu lui fais signe que oui, tu veux bien une boule de glace pour se marier avec le croustillant de la pâte, gardant tes paroles pour le sujet qui t’avait fait bouger jusqu’au petit café.

« Que dis-tu d’un pourcentage sur tes ventes ? 20% pour le produit. Je baisse à 15% si tu t’occupes du stockage mais que tu m’y laisses accès ~ »

Il avait essayé de te la faire à l’envers, ce petit rat, et il allait le regretter. Être vendu en pièce détâché, ce n’était que le cadet de ses soucis. Tu n’allais pas le laisser partir aussi facilement, sans paye totalement sa dette. Mais il te fallait un endroit où opéré, et tu n’avais pas bien envie de salir ton salon avec le sang d’une petite vermine ...

« Qu’est-ce que tu en penses mon lapin ? On a un deal ? »

Tu l’espères. T’as vraiment pas envie de te battre pour ça. Ce dont tu as envie, c’est simplement d’un bon moment pour déguster ton café et ta tarte, avec qui sait, une bonne discussion pour accompagner tout ça.

« T’aurais même le droit à un bisou si tu es sage eheh »

Toi ? Taquine ? Non, du tout ...